Arrivée comme une autre

Un hélicoptère, riche idée pour emmener de jeunes cavaliers à destination... Sauf pour Chuck peut-être qui supportait très mal l'altitude. Il était déjà recroquevillé sur lui-même lorsque le pilote lui permit de descendre, l'adolescent ne comprit pas tout de suite et... resta de marbre. Le casque posé sur ses oreilles il fermait les yeux et avait les doigts crispés sur son jean délavé. Le co-pilote parut amusé de la situation, il avait dû voir cette réaction une centaine de fois. Gentiment, il débarassa son passager du casque et hocha la tête, lui répétant qu'il pouvait mettre pied à terre. Automatiquement, Chuck réouvrit les yeux et regarda les deux pilotes avec un air perplexe. Il siffla un simple "merci" entre ses dents et descendit aussi rapidement que si la mort le poursuivait. Enfin sur le sol ferme, il se permit de s'évanouir... Enfin il ne le fit pas, la tête lui tournait simplement et il du la supporter avec sa main, là, posée sur son front pour reprendre ses esprits, il souffla deux, trois fois et se sentit enfin mieux alors que l'engin volant redécollait.

Et maintenant? Maintenant il fallait attendre, attendre déjà d'être en mesure de marcher, et ensuite qu'on vienne l'accueillir. C'est ici qu'il allait vivre à présent, bien qu'il n'eut pas l'idée de regarder l'édifice qui se dressait devant lui, encore un peu trop sensible face au trajet. Reprenant peu à peu ses facultés, il fit deux pas en avant et lança un regard circulaire autour de lui. C'était très joli. Peut-être un peu trop. Quelles bêtises peut-on faire ici? Soudain il sentit quelque chose vibrer dans sa poche, plongeant une main à l'intérieur, il en sortit son portable. Sa mère voulait s'assurer qu'il était bien arrivé, eh bien elle obtiendrait une réponse plus tard. Chuck n'avait pas vraiment envie de la remercier instantanément de l'avoir envoyé ici. Là, plus loin, une jeune fille était assise sur une valise. Elle semblait aussi perdue que lui, ou plutôt impatiente? Pour le savoir il faudrait l'aborder. Pas un problème. Le jeune garçon s'approcha, faisant craquer une dernière fois ses doigts engourdis et se racla la gorge:

- Excuse-moi... T'es nouvelle?

Elle sait peut-être contrôler sa peur mais pas ses expressions faciales. Chuck ne mit que peu de temps pour comprendre qu'elle semblait dérangée qu'il l'ai abordé. Il n'avait jusque là arboré aucun sourire, et ce dernier ne ferait certainement pas son apparition dans les secondes à venir. Non, l'adolescent n'était pas du genre à vouloir paraitre sympa avec une personne qui ne l'était pas, ou juste maladroitement.

- Chuck... Chuck Privles. répondit-il simplement.

En somme, il ne voyait pas pourquoi les gens s'évertuaient à dire aussi leur nom, lui s'en fichait pas mal de connaitre l'origine de leur famille, il n'allait pas les nommer ainsi, seul le prénom comptait vraiment, mais bon... Puisque tout le monde faisait ça, autant de ne pas paraitre trop bizarre avec ses petites manies dès le premier jour, bien qu'il souhaitait garder sa part d'originalité, c'est sûr. Se voyant très mal rester debout jusqu'à ce que quelqu'un daigne les accueillir, il s'installa en tailleur par terre, comme lors de l'attente de la directrice. Là, il reprit son portable et joua avec, tapotant sur n'importe quel touche, revisualisant des textos déjà lus. C'était assez ennuyant comme ambiance. Le jeune homme releva la tête vers Ivoire... Prénom original tout de même, surtout pour une asiatique. Il posa son regard sur ses vêtements, elle avait un style démarqué qui lui plaisait assez.

- Tu es dans quelle maison?

Pourquoi cette question? A vrai dire il se fichait pas mal de la réponse, c'était simplement pour parler. Lui, il n'était pas du genre à faire des distinctions d'académie, les Hurricans étaient réputés pour leur sociabilité et leur ardeur au travail, les Sweet Heart pour leur esprit fêtard, qu'en était-il des Illuminate Know? Enfin, en espérant qu'Ivoire en fasse partie.

Chuck n'avait pas vraiment reconnu la langue japonaise, simplement l'accent asiatique. Il la dévisagea un instant lorsqu'elle répéta, tenant un manga dans la main. En même temps, le nom de la maison était en anglais, facile de le traduire dans toutes les langues, c'était le même.

* Je sens qu'on va bien s'amuser si chacun se met à parler à sa façon *

Non il n'était pas énervé, loin de là, même un petit sourire vint se loger sur ses lèvres. Cette scène l'amusait, cette fille avait l'air difficile à cerner, mais de toute façon il ne souhaitait pas s'en donner la peine. Il posa son regard sur le bouquin qu'elle tenait. Il devait être écrit en français pour qu'elle le lise de gauche à droite, selon le mouvement de son regard. Oui, Chuck n'avait peut-être aucune connaissance de la langue nippone mais savait très bien que l'écriture japonaise était de haut en bas.

Son accent oriental était une petite merveille, l'adolescent l'appréciait beaucoup. Il n'avait pas d'attirance spéciale pour les pays lointains, mais écouter des chinois ou vietnamiens parler était toujours une partie de plaisir pour lui, allez savoir pourquoi. Le silence s'était installé, Chuck n'avait toujours pas répondu, on aurait pu croire qu'il avait oublié la question. En fait, il ne souhaitait pas partir dans une conversation inutile, qu'est-ce qu'on s'en fichait de quelle maison il appartenait, sérieusement. Il ne souhaitait pas installer des limites si tôt entre les nouvelles connaissances et lui. Comme Ivoire semblait occupée à sa lecture, le jeune homme leva le menton au ciel, contemplant les nuages, afin de ne pas la déranger. Des nuages qui n'avaient aucune forme, même avec un peu d'imagination, rien ne se dessinait, dommage et tant pis. Les bras tendus derrière lui pour le soutenir, les graviers s'encraient un à un dans la paume de ses mains, ce qui le fit réagir.

L'adolescent soupira. Personne à l'horizon toujours, c'était désespérant. A nouveau, son portable vibra. Une pression du doigt sur la bonne touche servit à décrocher l'appel.

- ... Oui je suis arrivé ... Non, j'ai plus de crédit ... Oui je l'appellerai ce soir ... Nan, personne n'est venu pour le moment, et je commence à avoir faim ... Vi j'ai faim, t'entends pas mon ventre gargouiller, me semblait que c'était assez fort pourtant ... Ok, bye.

C'était sa mère, qui n'avait pas supporté de toute évidence qu'il reste muet face au texto précédement envoyé. En effet, son estomac se tordait peu à peu, il n'avait rien mangé depuis ce matin, le midi arrivait et franchement, Chuck n'était pas du genre à sauter un repas.

Enfermant son portable dans sa poche, Chuck remarqua que la jeune fille s'agitait, elle sortie deux boites et lui en tendit une. Il resta perplexe un petit moment, après son bon appétit, aucun doute c'était de la nourriture... Des sushis qui plus est. Ca avait l'air intéressant, non ne vous en faites pas il connaissait ce plat là mais... N'aimait pas. Le poisson cru c'était pas son fort et la première fois qu'il en avait gouté, il avait tout dégurgité de façon peu appétissante sur la table.

Gentiment, il reposa la boîte et échangea un sourire avec Ivoire, histoire de la remercier quand même. Elle semblait avoir du mal à se faire comprendre, ce qui amusa Chuck. Lui-même avait un peu de peine avec le français, mais moins qu'elle, étant anglais à l'origine. Passer de l'anglais au français était chose plus aisée que du japonais au français apparemment. Lui avait toujours appris le français au lycée, comme les français apprennent l'anglais à l'école, alors évidemment il avait plus de notion. Et puis c'était bien vu en Grande Bretagne que de parler étranger, ça rajoutait une sorte de prestige. Pour ça, Chuck s'en fichait pas mal, mais ça arrangeait toujours ses parents qui étaient évidemment fiers.

Observant Ivoire manger, l'adolescent posa une main sur son ventre, il avait peut-être vraiment faim mais ne toucherait pas au plat qui ne lui disait vraiment rien. Par contre, ce qui l'intéressait, c'était la manière dont elle les engloutissait. Oubliant complètement qu'ils attendaient tous les deux que quelqu'un vienne les accueillir, il s'exclama :

- Tu pourrais m'apprendre à manier des baguettes?

Cette idée l'enchantait, c'était histoire de s'amuser bien sûr, pas réellement pour apprendre. Il sentait déjà que ça n'allait pas être évident avec lui, il avait des doigts de pianiste certes, mais de là à tenir deux bout de bois et les bouger en un mouvement précis...